Sans
passion il n'y a pas d'art
Gatti
rossi
Del
situazionismo ed altre cose
a cura di Emilio Piccolo
Un an après
son suicide, Guy Debord gravite sur Internet
di Olivier Wicker
|
d'InfoMatin,
section Livres
Le 30
novembre
1994, Guy Debord se tirait une balle en plein coeur. On vit alors
à
la télévision des présentateurs un peu perdus
annoncer
la mort d'un personnage dont la plupart n'avaient jamais entendu
parler.
Les autres affichèrent une mine grave et respectueuse, attitude
hautement comique ( voire masochiste ) envers un écrivain qui
mit
toute la force de son talent à dénoncer le pouvoir de
nuisance
des médias.
Vengeance
Inondant les
colonnes du Monde, Philippe Sollers se fit alors beaucoup de
publicité
sur le cadavre d'un homme qui avait organisé sa vie autour du
secret.
Plus récemment, Gérard Guéguan, coresponsable des
éditions Champ libre entre 1972 et 1974, a publié un opus
largement oxydé par l'aigreur. Très en colère que
de beaucoup plus jeunes que lui, en l'occurrence les Inrockuptibles,
soulignent
régulièrement ce que Debord apporte à leur
génération,
Gérard Guéguan tire à boulets rouges. «Mes
ambitions
sont d'une autre nature », écrit-il, tout gonflé de
sa brouille « historique » avec Debord. Avec un lyrisme
enflammé,
il nous apprend qu'il a décidé finalement de remplacer
«
sur sa table de chevet » l'intégrale situationniste par
les
écrits du Che, reprochant à Guy Debord de ne pas avoir su
choisir entre la dialectique et la kalachnikov. Faut-il lui rappeler
que
la prochaine commémoration de Mai 68 n'aura pas lieu avant trois
ans ?
Paraphrase
Plus jeune
(33 ans), mais tout aussi rigide, un jeune philosophe allemand, Anselm
Jappe, publie une étude consacrée à la
pensée
de Guy Debord. Engoncé dans la déférence, il livre
une indigeste paraphrase des théories situationnistes. Mais il
faut
souligner sa pertinence lorsqu'il rappelle la filiation intellectuelle
entre le théoricien du spectacle et György Lukács,
qui
publia en 1923 Histoires et conscience de classe. Violemment
antistalinien,
ce marxiste hongrois y développait le concept de
«fétichisme
de la marchandise». Son texte, traduit en France en 1960,
influença
sans aucun doute profondément Guy Debord.
CIA
Mais c'est
sur Internet, le plus médiatique des médias, que la
galaxie
debordienne s'agite le plus. Un honorable correspondant de Baltimore
met
à la disposition du village planétaire l'Intégrale
situationniste. Depuis l'Italie, Luther Blissett envoie sur son e-mail
un texte intitulé Guy Debord is really dead. «Guy The Bore
(sic), écrit-il, n'a pas besoin d'être enterré au
Panthéon
des héros de la gauche italienne entre Berlinguer et Pajetta.
[...]
Le mot situationniste est devenu un passe-partout. [...] Un mot que les
journalistes accolent désormais à tout mouvement
artistique
suffisamment " extrême et spectaculaire " pour être
digéré
par les masses. » Sur le Net circulent aussi des thèses
paranoïaques.
Un certain Len Bracken s'interroge avec le plus grand sérieux :
« Debord a-t-il été assassiné ? Sa ferme
isolée
de Champot était très vulnérable à une
attaque.
». Un mystérieux correspondant, qui signe « l'homme
a l'attachécase », lui répond : «
Méfiez-vous
de la propagande de la CIA ; Debord a été vu vivant
à
Charleroi. » Il ne précise pas s'il partageait une mousse
avec Arthur Rimbaud.
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